Taux de conversion

La méthode mathématique pour calculer un taux de conversion approprié.

Contexte.

Le taux de conversion est une valeur essentielle pour mesurer l’efficacité de son tunnel de conversion. Il permet notamment d’observer quelle étape du funnel pose problème lors du passage de lead/prospect à client, ou encore de pouvoir définir un CPL plus adapté.

Malheureusement, cette mesure est souvent calculée de façon fausse en utilisant la formule #Conversion/#Leads. Le biais de cette méthode est qu’elle ne prend pas en compte le fait que certains des leads observés n’ont pas eu suffisamment de temps pour convertir. Dans certains cas, cette différence peut-être très importante.

Exemple :

Supposons que nous ayons 50 leads ayant une maturité de 1 an (ils sont devenus leads il y a 1 an), et qu’avec le temps tous ces leads soient devenus clients, avec un temps avant la conversion entre 2 mois et 8 mois.
De plus, supposons que nous avons 50 leads, moins matures, avec une maturité de moins d’un mois. Ces leads n’ont pas converti pour l’instant.

Un simple regard à cette situation suffit pour déduire que les 50 leads non matures n’ont simplement pas eu le temps de convertir et convertiront probablement entre le deuxième et huitième mois comme leurs prédécesseurs. Le taux de conversion serait donc de 100%.

Hors le calcul du taux de conversion traditionnel évoqué plus haut ignore ce phénomène et applique le calcul :
Taux de conversion = 50/(50+50) = 50%

Cet exemple extrême est représentatif du problème de sous-estimation qui apparaît lorsque nous calculons le taux de conversion par ce simple calcul.

Afin d’éviter ce phénomène, il est nécessaire d’implémenter dans le calcul le temps d’observation de chacun des leads.

La méthode Bright:

Vocabulaire

Afin que la suite de l’article soit plus lisible nous allons introduire un court lexique :

  • Lead = Prospect qui n’est pas encore client (par exemple quelqu’un qui a créé un compte mais n’a pas généré de marge à l’entreprise pour l’instant)
  • Client = Lead ayant effectué un achat.
  • Convertir = Passer de lead à client. Effectuer un achat.
  • Distance = le temps écoulé entre l’inscription d’un lead/client et la date d’observation. Ceci représente le temps d’observation de ce lead/client.
  • Période = Pour un client, c’est le temps écoulé entre l’inscription et la conversion. Pour un lead cette mesure n’existe pas.
  • CPL = coût par lead
  • CPA = coût par acquisition (coût par client)
  • Cohorte = mois d’acquisition d’un lead

Introduction

Le taux de conversion au temps t est la probabilité qu’un lead ait converti avant, ou exactement au temps t. Nous le notons :

Le taux de conversion correspond alors à la limite quand t tend vers l’infini de .

En pratique le taux de conversion se stabilise évidemment bien plus vite, et nous pouvons nous satisfaire du calcul de Qt avec un t assez grand pour que le taux de conversion cesse d’augmenter.
Une fois ces valeurs calculées nous pouvons non seulement connaître le taux de conversion final mais aussi le temps nécessaire pour convertir.

Voici un exemple de la forme habituelle de l’évolution du taux de conversion dans le temps :

La forme de la courbe est en général concave (elle s’aplatit avec le temps). Ceci signifie que plus le temps passe moins le lead a de chance de convertir exactement au temps présent. Dans cet exemple, nous pouvons voir que la courbe semble s’aplatir légèrement en dessous de 50%. Ceci est notre taux de conversion final.

La plupart du temps les données sont assez matures pour observer l’instant où la courbe s’aplatit. Néanmoins, pour les entreprises jeunes, il existe des méthodes de projections (que nous n’évoquerons pas dans cet article) permettant de prolonger la courbe.

Une approche probabiliste

Le but de ce chapitre est d’exposer comment sont calculés les Qt , représentant la probabilité d’avoir converti au temps t.

Méthode

Premièrement, afin de simplifier le calcul, il est nécessaire de discrétiser le temps. Ainsi au lieu de considérer le temps comme une variable continue, nous le décomposons en nombres entiers, représentant le nombre d’unités temporelles écoulées. En pratique nous utilisons le nombre de jours, mais le calcul reste valable pour n’importe quelle unité (semaine, mois, trimestre, etc…). Il nous suffit alors de calculer Qt pour tout t entier naturel .

Pour ce faire nous calculons pour tout n ∊ {0,1,2,3,…} la probabilité qu’un lead n’ayant pas encore converti convertisse exactement au temps n. Appelons cette probabilité .

Nous pouvons alors calculer Qt grâce aux pn calculés de façon cumulative grâce à la formule: en effet:

Calcul des Pn

Les sont estimés en calculant la proportion des conversions exactement au temps n des leads observés qui n’ont pas encore converti.

  • Numérateur : Nombre de leads qui convertissent exactement au temps n.
  • Dénominateur : Nombre de leads respectant les conditions suivantes :
  • Distance ≽ n : le lead est assez mature pour être observé au temps n
  • Ne pas avoir Période < n : Le lead n’a pas converti
  • = Numérateur/Dénominateur

Exemple simple.

Voici un exemple à petite échelle de la méthode exposée ci-dessus :

Nous observons 5 leads avec leurs distances et périodes respectives. Pour les leads n’ayant pas converti (pour l’instant), la période est notée NA :

Nous pouvons grâce aux formules évoquées précédemment calculer les paramètres pn et Qn.

  • Au temps 1, nous observons 5 personnes, une seule a converti exactement au temps 1.
    p1 =1/5=0.2 et Q1=1-(1-p1)=1-0.8=0.2
  • Au temps 2, nous observons 4 personnes. L’une d’elle a déjà converti donc il n’y a que 3 personnes en position de convertir. Aucune n’a converti exactement au temps 2.
    p2 =0/3=0 et Q2=1-(1-p1)(1-p2)=1-0.8*1=0.2
  • Au temps 3, nous observons 3 personnes. L’une d’elles a déjà converti donc il n’y a que 2 personnes en position de convertir. L’une d’elles a converti exactement au temps 3.
    p3 =1/2=0.5 et Q3=1-(1-p1)(1-p2)(1-p3)=1-0.8*1*0.5=0.6

Vous êtes toujours avec nous ? Parfait allons nous pouvons résumer ces chiffres dans un tableau récapitulatif :

Ainsi le taux de conversion final avec cette méthode est de 60% (soit 3/5), contre 40% (soit 2/5) si on avait utilisé la méthode standard.

Ceci est dû au fait que selon notre modèle p3=0.5, puisque sur deux individus pouvant convertir à ce temps il y a une conversion. On a donc une chance sur deux de convertir exactement au temps 3.

L’interprétation est que parmi les individus numéro 2 et 5 qui ne sont pas matures, on pronostique qu’un des deux va convertir au temps 3.

Vers une utilisation optimale du taux de conversion

Une bonne maîtrise théorique des probabilités nous permet de mettre en place un calcul du taux de conversion simple et élégant. Voici certains exemples d’insights que cela nous permet d’avoir.

Fixer un CPL adapté.

Supposons que nous connaissions déjà le coût d’acquisition (CPA) souhaité pour un nouveau client. Malheureusement dans le cadre de la gestion des campagnes, nos KPI, notamment le CPL, seront définis par rapport aux leads générés, et non par rapport aux clients (ceci dans le but de pouvoir optimiser la campagne rapidement, ce qui ne serait pas possible si on devait attendre plusieurs mois que les leads se transforment en clients).

Cependant le taux de conversion, bien calculé, est capable de lier le CPA et le CPL via la formule CPL =CPA * Taux de conversion.

Comme démontré précédemment, la méthode de calcul du taux de conversion naïve #Clients/#Leads nous ferait sous-estimer le taux de conversion puis le CPL optimal. Ainsi en fixant un CPL trop bas nous serions en sous-investissement comparé à l’optimal, et nous manquerions des opportunités.

Un meilleur calcul du taux de conversion permettra ainsi de corriger la valeur du CPL, et ainsi obtenir de meilleurs résultats avec les campagnes.

Pour aller plus loin (oui oui nous pouvons) : Il est possible de segmenter les leads (par canal d’acquisition, par données socio-démographiques, etc…) et appliquer le calcul à chacun de ces segments pour évaluer si un groupe a plus de chance de convertir qu’un autre.
Il est par exemple fréquent que le taux de conversion ne soit pas le même entre les canaux d’acquisition. Il faut alors :

  • Mettre en place un système de tracking
  • Segmenter les leads par canal d’acquisition
  • Calculer le taux de conversion pour chacun des segments
  • Adapter le CPL par canal

Optimiser son tunnel de conversion

Lorsque le tunnel de conversion est un composé de plusieurs étapes, il est possible d’adapter le calcul pour voir le taux de conversion entre chaque étape du funnel.
Cette information nous permet ensuite de détecter un potentiel bug dans le funnel ou de mieux diriger les prochains efforts d’amélioration.

Cas d’étude : Évaluer les performances marketing plus efficacement

Cet exemple est bien plus complexe que les autres, mais a pour but d’illustrer le potentiel du taux de conversion. Certains calculs ne sont pas pleinement expliqués afin que l’article reste synthétique.

Supposons que nous soyons une entreprise, et que nous ayons testé, à partir de mai 2022, un différent mix de campagne, deux fois plus cher mais qui génère un nombre de leads bien plus élevé, pour un CPL similaire. À première vue, ceci semble être un excellent moyen d’augmenter drastiquement son volume sans surinvestir, étant donné que le CPL ne semble pas être affecté négativement.

Afin de challenger cela, nous pouvons observer le taux de conversion projeté par cohorte (mois d’acquisition du lead). Ici nous passons des étapes du calcul très intéressantes mais qui sortent du scope de cet article, notamment comment projeter le nombre de conversions futures d’une cohorte grâce au taux de conversion, et ainsi obtenir le taux de conversion projeté par cohorte.

Avec ce graphique nous observons qu’il y a en effet eu une forte augmentation du nombre de leads depuis le lancement du nouveau mix marketing en mai (barres bleues).

Nous avons en vert le nombre de conversions observées, et en noir le nombre de conversions à venir, estimées grâce à notre calcul du taux de conversion. Notons que plus le mois est proche du présent, moins les leads observés sont matures. C’est pour cela que dans la partie droite du graphique, le noir (conversions estimées) est plus dominant.

Grâce à ceci nous avons le taux de conversion par cohorte grâce au calcul
#Conversions projetés/#Lead (ce calcul est possible car le nombre de conversion est projeté).

Nous comparons alors les 4 mois avec l’ancien mix marketing aux 4 mois avec le nouveau mix marketing.

  • Il y a en effet une grande augmentation du nombre de leads : nous passons de 799 à 1693, soit une augmentation de 112%. Ceci justifie que doubler les dépenses marketing n’est pas néfaste puisque le nombre de leads est supérieur au double.
  • Néanmoins ceci est moins limpide si on observe le nombre de clients projeté (il est important de projeter sinon les chiffres ne sont pas comparables) : nous passons de 255.9 à 378.8 soit une augmentation de 48%. En réalité, les nouvelles campagnes génèrent plus de leads, mais ceux-ci ont une moins bonne qualité que les anciens leads. Par conséquent, le taux de conversion est bien plus bas.

Ainsi ce qui semblait à la base une excellente performance se révèle grâce au taux de conversion être une erreur qui doit rapidement être corrigée : nous dépensons le double de budget pour augmenter le nombre de clients de seulement 48%. Une façon de voir cela est de dire que les nouveaux clients générés valent le double des anciens.

La morale de ceci est que le CPL n’est pas nécessairement proportionnel au CPA. Lors de grands changements, il est nécessaire d’observer l’impact sur plusieurs métriques, notamment sur le taux de conversion, afin d’avoir une vision complète.