La Lifetime Value (LTV) ciblée par consommateur.

Introduction

La Lifetime Value (LTV) est un KPl clef dans le marketing digital. La LTV correspond à la valeur d’un client, ce qui correspond donc au montant maximal que l’entreprise peut se permettre de payer pour acquérir un nouveau client tout en restant profitable. Dès lors, elle permet de piloter les outils de marketing digital dans le but d’acquérir uniquement les clients profitables, et de maximiser ainsi son profit.

Traditionnellement, les stratégies marketing se basent sur des LTV moyennes. Etant donné que la valeur spécifique d’un client est difficilement quantifiable au moment où celui-ci effectue son premier achat, une valeur moyenne par catégorie ou en fonction de la source d’acquisition est calculée en amont, et attribuée à chaque client en fonction de sa catégorie. Certains clients se révéleront être de meilleurs clients que la moyenne de leur catégorie, tandis que d’autres seront moins profitables. Toutefois, dans l’ensemble, les clients nouvellement acquis devraient avoir une valeur proche de la moyenne calculée. Dans ce cas, notre approximation est efficace du point de vue de la profitabilité.

Bien que plus complexe et un peu moins intuitif, le modèle de LTV individuelle que nous utilisons et qui est présenté dans les paragraphes suivants possède plusieurs avantages vis-à-vis de méthodes plus simplistes. Notamment d’un point de vue customer engagement.

Par exemple, le fait de pouvoir estimer la LTV pour chaque client, nous permet de concentrer les efforts CRM sur les clients les plus profitables.

La méthodologie tout comme certaines applications possibles sont expliquées et détaillées dans cet article.

Fonctionnement

Afin de calculer une LTV individualisée pour chaque client, il nous faut l’ensemble des transactions que ce dernier a réalisées. Le modèle mis en place fonctionne avec les trois éléments suivants:

  • Fréquence : Écart de temps entre deux transactions
  • Récence : Temps passé depuis la dernière transaction
  • Montant de la transaction

La fréquence et la récence permettent de calculer une probabilité d’attrition. En fonction de la récence et de la fréquence moyenne du client étudié, une probabilité lui est assignée. Elle reflète les chances que le client soit encore un client actif de l’entreprise. Une explication complète de ce concept est disponible dans l’un de nos articles précédents.

En parallèle, un panier moyen estimé est calculé par client. Il estime la valeur du panier moyen pour l’ensemble des transactions (passées et futures) qu’un client en particulier réalisera. La valeur du panier moyen estimé est calculée grâce à trois éléments:

  • Le nombre d’achats réalisés par ce client
  • Le panier moyen observé de ce client (dépenses totales / nombre d’achats)
  • La distribution du panier moyen de l’ensemble de clients

En premier lieu, la distribution du panier moyen pour l’ensemble des clients est estimée. Sur le graphique 1, elle est en violet. Ainsi, on voit que le panier moyen d’un client choisi aléatoirement se situe le plus souvent autour des 48 CHF.

Imaginons que la valeur du panier du premier achat du client Toto soit de 100 CHF (ligne rouge verticale). Ce n’est pas parce que son premier panier est de 100 CHF que tous les achats suivants qu’il réalisera seront de 100 CHF. La distribution totale indique plutôt que le panier moyen d’un client pris au hasard est de 48 CHF. Cependant, de par son 1er achat significativement supérieur au panier moyen, le modèle estimera le panier moyen de Toto à 53.34 CHF, reflétant ainsi la probabilité qu’il dépensera plus qu’un consommateur pris au hasard.

En effet, la méthodologie fait tendre son panier moyen estimé vers la valeur la plus probable basée sur son comportement d’achat. Plus Toto effectue de transactions à 100 CHF, plus nous en déduisons que son panier moyen estimé est proche de 100 CHF. Ainsi, après par exemple 10 transactions à 100 CHF, nous estimons que le panier moyen de Toto est de 91.91 CHF.

La méthodologie utilisée pour estimer le panier moyen d’un client j est relativement intuitive. Lorsqu’un client j fait peu de transactions, la méthodologie associe son panier moyen estimé vers le panier moyen le plus fréquemment observé (estimé sur l’ensemble des clients). Plus le client j effectuera de transactions, plus son panier reflètera son comportement d’achat réel et se détachera (ou non) de la moyenne estimée par tous les autres consommateurs.

En effet, plus le nombre de transactions est élevé, plus nous avons de certitude sur le comportement du client j pour les transactions à venir. Ce phénomène est représenté par les points roses (qui représentent la panier moyen estimé) qui évoluent sur la courbe violette en fonction de la moyenne observée lorsque le nombre de transactions augmente sur le graphique 1 (exemple de Toto).

Finalement, nous combinons le panier moyen théorique et la probabilité d’attrition pour obtenir une LTV par client. Par la suite, deux points de vues intéressants peuvent être adoptés en fonction des besoins :

  1. Il est possible d’estimer la LTV restante pour un client sur une période donnée.
    • Exemple: En fonction de son activité passée, nous estimons que le client Toto va encore dépenser 100 CHF dans les trois ans à venir.
  2. Dès lors, nous pouvons calculer la LTV totale d’un client sur une période définie.
    • Toto est client depuis 2 ans et a dépensé 200 CHF depuis son arrivée. Nous avons estimé qu’il dépensera encore 100 CHF dans les trois ans à venir. Sa valeur totale est donc de 300 CHF à 5 ans.

Le premier point de vue est plutôt intéressant pour améliorer sa mécanique CRM tandis que le second sert davantage dans une optique d’acquisition.

La LTV et l’engagement client

Il est clé de bien comprendre qu’un bon client passé n’est pas équivalent à un bon client futur. Dans les faits, un client peut avoir été très profitable dans le passé mais si ce dernier n’a pas fait de transactions depuis longtemps, nous allons conclure que ce dernier a churné (il aura une très grande probabilité d’attrition). Dans ce cas, ce client n’est pas intéressant d’un point de vue CRM, car la LTV restante sera petite.

D’un autre côté, un client qui a fait uniquement deux achats à forte marge depuis son inscription et qui a une petite récence sera vraisemblablement considéré comme un client prometteur. Ce type de client mérite une attention particulière de la part de l’équipe CRM car c’est ce type de clients qui devrait générer les futurs profits de l’entreprise.

De ce fait, l’équipe responsable du CRM va concentrer ses efforts sur les clients avec les LTVs restantes les plus élevées. Parmi les actions possibles, elle pourrait:

  • Différencier les newsletters en fonction de la qualité du client.
  • Prioriser les tickets ou demandes après-vente en fonction de la qualité du client.
  • Interagir davantage avec les clients à forte LTV restante

L’idée est de leur porter une attention particulière pour que ceux-ci ne churnent pas, car ils seront fortement contributeurs de profit à court/moyen terme.

Remarketing

Le remarketing est un axe dans lequel la LTV restante peut être très utile. Il est judicieux de cibler des clients avec des LTV restantes hautes car nous savons que ce sont ces derniers qui ont les meilleures chances de refaire un achat.

La LTV et l’acquisition

La LTV par client nous permet également d’évaluer le prix optimal que nous pouvons nous permettre d’investir pour acquérir un nouveau client.

Dans ce cas précis, nous devons considérer la LTV totale. Il faut comparer le coût d’un client avec la LTV qu’il va rapporter sur l’ensemble de son parcours client. Les LTVs totales des clients déjà acquis nous permettront de calculer cette valeur.

Les LTVs totales des clients récents seront estimées sur une période de temps donnée (par exemple à 5 ans). La moyenne de ces LTVs représente le prix maximum payable pour un nouveau client.

Segmentation

Pour améliorer l’efficacité de notre stratégie d’acquisition de clients, il est possible d’appliquer une segmentation basée sur le comportement de ces derniers afin de mieux adapter les enchères selon la cible.

L’idée sous-jacente à cette pratique est que tout client, du moment que sa marge est positive, devrait être acquis. L’optimisation se fait en faisant évoluer les coûts d’acquisition. En effet, nous pouvons nous permettre de payer plus pour acquérir un client si l’on estime que ce dernier a une LTV importante. Lorsque les enchères sont adaptées à la qualité du client, le profit augmente.

Pour faire de la segmentation, nous pouvons utiliser les algorithmes des canaux marketing ou la réaliser nous-même. Une explication pour chaque cas de figure est donnée:

Lookalike de Facebook

L’utilisation de la fonctionnalité lookalike de Facebook peut permettre de faire une segmentation efficace en utilisant le savoir-faire de Facebook. Le concept est le suivant:

  1. Nous créons des segments regroupant des personnes avec des LTV totales plus ou moins similaires (étape 1 dans le graphique 2).
  2. Chaque segment est transmis à Facebook comme une “Custom Audience”. Facebook s’en servira pour acquérir des clients similaires (étape 3 dans le graphique 2).
  3. Chaque “Custom Audience” a une enchère différente (étape 3 dans le graphique 2).

De cette manière, Facebook accepte d’acquérir des clients à forte valeur ajoutée à des prix plus hauts tandis qu’il est plus contraignant pour les clients peu rentables. Le graphique 2 ci-dessous illustre ce propos.

Custom Audience - LTV ciblée

Ce qui est remarquable avec cette méthodologie, c’est que Facebook s’occupe d’identifier quels sont les facteurs qui influencent la qualité du client sans que nous n’ayons rien à faire. De plus, Facebook peut connaître davantage de choses sur le client que l’entreprise que nous sommes. Grâce à ses données, ses algorithmes pourraient se révéler plus performants qu’une analyse réalisée de notre côté.

Cette stratégie est présentée avec Facebook comme canal marketing mais est généralisable à plus de canaux, tel que Google.

Régression

Alternativement, nous pourrions décider d’identifier nous-même les caractéristiques qui influent sur la LTV. Une des méthodes possibles consisterait à faire une régression afin d’identifier les facteurs fortement corrélés avec la LTV.

Procéder ainsi a l’avantage que nous connaissons les facteurs qui influent sur la LTV ainsi que dans quelle mesure. Il est donc possible d’utiliser ces connaissances à travers les différents canaux marketing pour optimiser les stratégies d’acquisition. Cela contraste avec les algorithmes “boîte noire” de Facebook ou Google.

Les points forts de cette méthode est que nous avons une meilleure visibilité des facteurs importants pour la LTV. De plus, nous pouvons inclure l’ensemble de la masterdata client disponible dans la régression, soit des informations pas forcément disponibles pour les canaux marketing.

Insight Business

Hormis les usages décrits plus haut, la LTV par client a également l’avantage de donner des informations sur la santé actuelle du business et de proposer quelques perspectives intéressantes. Nous proposons deux graphiques ci-dessous.

Dépendance aux bons clients

De manière générale, il est fondamental de connaître la base client qui génère la majorité de la marge. En fonction du modèle d’affaires, il se peut parfois que moins de 10% des clients fassent la grande majorité des profits de l’entreprise. Plus l’entreprise dépend de peu de clients pour réaliser ses profits, plus elle est à risque en cas de perte d’un client à forte LTV. Pour représenter cette situation, la LTV individualisée peut nous aider car elle permet une comparaison juste entre clients.

En parcourant le graphique 3, nous remarquons que 70% des clients ne sont pas rentables (nous faisons l’hypothèse que l’ensemble des clients ont été acquis à travers du marketing payant). L’aire en rouge représentant la perte liée aux clients non rentables (ceux ayant une lifetime value inférieure au CPA moyen) devrait couvrir une surface inférieure à celle en vert (clients rentables).

Sur ce graphique, nous voyons par exemple que seuls les meilleurs 30% des clients acquis ont une valeur au-dessus du CPA moyen payé. Ainsi, ces 30% doivent être suffisamment rentables pour combler la perte faite sur les 70% de clients non rentables et payer les charges fixes de l’entreprise (salaires, loyer, etc.).

De plus, nous pouvons voir que les meilleurs clients ne sont pas assez bons pour générer à eux seuls une très grande partie de la marge. Les meilleurs 10% sont responsables de 32% de la marge.